La crème de la crème, immersion dans la loi des marchés

Bienvenue dans l’une des écoles de commerce les plus renommées d’Europe. Vous êtes la crème de la crème, les futurs grands, les futurs riches, les futurs maîtres du monde. Petite leçon simplifiée, pour commencer, sur la loi des marchés. D’un côté il y a l’offre, de l’autre, la demande, au centre, les biens. Ceux-ci peuvent être l’objet d’une appropriation et répondre à des besoins à plus ou moins long terme. Ils sont caractérisés par une cote, c’est-à-dire une évaluation potentiellement fluctuante de leur valeur, qui repose sur un cycle simple : plus les biens sont cotés, plus ils sont demandés, plus ils sont demandés, plus ils sont cotés. C’est comme les airmax en gros, plus il y a de monde qui en porte, plus c’est in d’en porter dont plus il y a de monde qui en achète.

Partez pas, je vous jure que je parle de relations humaines. Selon la théorie que Dan, un deuxième année expose à Kelliah, première année, l’offre, c’est les jeunes hommes de bonne famille, la demande, c’est les jeunes femmes de bonne famille, l’appropriation sur le long terme, c’est est le mariage et le marché, c’est l’école de commerce. Dan ajoute même qu’au sein de l’offre, les biens non cotés, autrement dit les jeunes étudiants ignorés par la gente féminine, n’ont aucune chance d’être appropriés. Même pour une nuit, si vous voyez ce que je veux dire. La question de Kelliah est simple : et si, en incluant d’autres variables dans l’équation, il était possible de changer les lois de ce marché ?

Bon, attention, ça spoile sévère :

Alors j’vous entends déjà dire comme quoi le modèle expliqué ci-dessus est totalement incomplet et ultra-sexiste. Ah ouais mais c’est un modèle, hein et il prend en compte les réalités sociales du plus grand-nombre, qui plus est dans un milieu ultra-conservateur.

Après les jeunes de la banlieue parisienne, les délinquants mineurs aux Etats-Unis, c’est une autre couche de la société qui passe sous l’œil critique et attentif de Kim Chapiron. Il continue ainsi sa série sur les mœurs des adolescents en s’intéressant à la jeunesse dorée parisienne.

Comme il l’avait fait pour Dog Pound, Kim Chapiron s’est, avant toute chose, imprégné de l’ambiance. A la manière d’un ethnologue, il a écumé les fêtes, rencontré des étudiants, parcouru les couloirs de différentes universités. L’air de rien, il dresse dans la Crème de la crème une sociologie grossière du monde étudiant qui met en lumière ses cases, ses codes et ses configurations. Ainsi, et c’est vrai autant pour le cadrage que pour la narration, l’arrière-plan est omniprésent, et suffisamment travaillé pour que les protagonistes ne se fatiguent pas à coup de phrases contextualisantes.

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La part belle étant donnée aux motivations et aux comportements des personnages, ils jouissent d’un caractère entier dont on voit l’évolution à l’écran. Les acteurs choisis semblent taillés pour le rôle qu’ils tiennent. En fils prodigue, génie de l’économie mais ignorant des relations humaines, Thomas Blumenthal joue un Dan plus vrai que nature. Avec ses airs de Sara Forestier, Alice Isaaz, qu’on verra prochainement dans l’adaptation du roman de Katherine Pancol, Les Yeux Jaunes Des Crocodiles, donne vie à une Kelliah plus vraie que nature, mélange de force et de finesse, de sensibilité à fleur de peau et d’indifférence calculée. Enfin, Jean-Baptiste Lafarge est parfait en Louis l’arrogant, tête à claque, pavaneur et imbu de lui-même.

A voir pour le fond et pour la forme.

Bonus :

Une vidéo du making-of

#LeSaviezTu Thomas Blumenthal est l’acteur qui jouait le pupitre dans les Choristes.

3 réponses à “La crème de la crème, immersion dans la loi des marchés

  1. Je n’avais pas vu les deux premiers films de Chapiron mais celui-ci m’a vraiment bien plu alors que je ne m’y attendais absolument pas. Pas grand-chose à ajouter sur ta critique sinon, je suis tout à fait d’accord avec toi.

    • Je n’ai vu que des extraits de Sheitan (je suis une petite nature) mais j’ai été emballée par Dog Pound. L’univers y est vachement moins joyeux mais il est traité avec le même oeil acéré, je te conseille !

  2. Pingback: Bilan 2014 | Pauline C.·

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